Hubert Védrine, l’homme qui esquive le rôle de la France au Rwanda


Hubert Védrine était secrétaire général de l’Elysée de 1991 à 1995, il était un des hommes clefs de la politique menée par la France au Rwanda.

Les décisions étaient prises par le président François Mitterrand, mais son rôle était justement de les transcrire et de s’assurer qu’elles soient bien exécutées. Quand cela l’arrange, Hubert Védrine aime, avec une modestie qui lui ressemble peu, se décrire en « passe-plats ».

Cependant quand il s’agit de drames, comme le génocide contre les Tutsi au Rwanda, il n’y a pas de « passe-plats », mais des hommes qui ont contribué aux grands drames du XX° siècle. Ce génocide fut le seul que nous – Français – aurions pu empêcher et ce n’est pas ce que nous avons fait.

En effet, jusqu’en 1994, nous avons soutenu les forces qui préparaient ce massacre, nous les avons préparées, armées, conseillées et parfois même commandées, avant qu’elles ne se lancent dans cette solution finale qu’elles évoquaient pourtant devant nous. Mais nous ne voulions pas l’entendre.

Pendant le génocide, qui a duré 100 jours, 10 000 morts par jour, nous avons aidé à constituer, dans des locaux de l’ambassade de France, le « gouvernement intérimaire » qui allait conduire ce massacre sans précédent. Nous avons continué à soutenir ces forces devenues folles, nous avons reçu officiellement leurs émissaires à l’Elysée, et nous sommes même intervenus militairement pour les aider.

Sous couvert d’une opération « strictement humanitaire », l’Elysée a lancé l’opération Turquoise, pour tenter de remettre au pouvoir les forces qui menaient ce génocide, mais qui ne faisaient pas le poids face aux soldats du Front patriotique rwandais (FPR). Nous avons ensuite stoppé ce FPR, en créant une « zone humanitaire sûre » pour que les génocidaires puissent s’y protéger, avant de les installer dans des camps de réfugiés au Zaïre pour continuer « leurs combats ».

Et nous avons continué à leur livrer des armes, ce qui était impossible sans l’ordre de l’Elysée. Ces livraisons ont continué même après le génocide, alors que nous savions tout désormais de ceux que nous soutenions, puisque nous les avions vus sur le terrain de leurs massacres, au Rwanda.


Du fait de leurs décisions, la France peut être accusée de complicité avec les génocidaires

Personne ne doute qu’un esprit censé, même à l’Elysée, n’a jamais souhaité contribuer à un génocide. Mais pourtant, les décisions qui ont été prises par la présidence de la République font que la France peut être accusée de complicité de génocide.

Non pas qu’un soldat français aurait accepté de participer aux massacres, même si l’ordre lui en avait été donné, mais parce que nous n’avons cessé de soutenir les génocidaires. C’est cela la complicité. Et c’est là qu’Hubert Védrine est des plus troublants.

Même l’amiral Lanxade reconnaît aujourd’hui que c’était une faute politique d’avoir reçu les émissaires des génocidaires à l’Elysée, que plus personne ne croit à la fable humanitaire de l’intervention de la France au Rwanda, et que même les faits les plus controversés, comme l’assassinat du président Habyarimana, sont désormais établis.

Alors pourquoi Hubert Védrine s’acharne-t-il à défendre les thèses négationnistes, qu’il laisse d’ailleurs le soin à d’autres d’écrire, en parfait diplomate ? Pourquoi soutenir que l’actuel président Kagamé aurait déclenché le génocide alors que les expertises judiciaires comme les analyses de la DGSE ont démontré que les missiles, qui ont abattu l’avion du président et déclenché le génocide, étaient partis du camp de Kanombe, la base militaire des unités d’élite de l’armée gouvernementale ? Ces unités d’élite allaient jouer un rôle clef dans le génocide, tandis que leurs instructeurs français étaient encore sur place, incapables de les arrêter mais de les observer.

De la même manière, pourquoi Hubert Védrine fait-il aujourd’hui la promotion des thèses négationnistes de Judi Rever, cette « investigatrice » qui ose écrire que les Tutsi se seraient infiltrés dans les milices pour inciter aux massacres des leurs, propos nauséabonds qui fleurent bon le conspirationnisme et le délire maladif.


Tandis qu’Hubert Védrine nous enfonce dans le déni

En fait, Hubert Védrine est sans doute un des derniers responsables politiques de cette époque qui pourrait expliquer comment nous avons pu commettre de telles erreurs, car c’est la France qu’ils ont engagée dans cette politique aberrante.

Pourquoi avoir soutenu cette junte monstrueuse jusqu’au pire, et même après ? Quels pouvaient être les intérêts qu’ils croyaient défendre « au nom de la France » et qui ont pu ainsi les égarer ?

Alors qu’ils commémoraient le cinquantenaire des massacres d’Oradour-sur-Glane, comment ont-ils pu, de l’autre main, soutenir les génocidaires de l’Afrique des Grands Lacs, ces nazis anti-Tutsi qui ne s’étaient pourtant jamais cachés de leurs intentions ?

Mais pour nous aider à comprendre ces erreurs monstrueuses, faudrait-il encore qu’Hubert Védrine puisse les reconnaître. Et le déni dans lequel il nous enferme, s’il le protège de sa responsabilité personnelle, ne peut que nous laisser craindre le pire sur la responsabilité collective que nous devrons assumer, sans une once d’explication.

Et tant qu’Hubert Védrine n’aura pas reconnu la réalité de ce qui s’est passé, il serait préférable qu’il ne soit plus invité à expliquer les relations internationales ou à représenter la France, comme il le fait fort complaisamment aujourd’hui encore à un comité de l’OTAN. Car c’est bien l’honneur et la réputation de la France qu’il met en péril en refusant toute explication.

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