Rwanda : Hubert Védrine, l’homme qui ne doute de rien.

Interviewé sur TV5 Monde par Mohamed Kaci sur les révélations de Mediapart, Hubert Védrine s’enferme dans un déni qui ne laisse pas espérer la moindre éclaircie.
L’agressivité de ses réponses et son habituelle esquive de tout sujet le mettant en question, comme les livraisons d’armes ou le refus de Mme Bertinotti d’ouvrir les archives du président Mitterrand sur le Rwanda, ne laissait pas espérer un quelconque début d’humilité ou d’interrogation sur sa responsabilité dans ce drame, car lorsqu’il parle de la France, c’est bien évidemment de lui dont Hubert Védrine parle.

L’ancien secrétaire général de L’Elysée se retranche volontiers derrière les propos des uns et des autres pour ne pas porter directement des thèses nauséabondes : il préfère citer « l’immense expert Filip Reyntjens » dont nous avons pourtant montré qu’il ne connaissait pas grand chose au sujet qu’il a voulu doctement traiter, et bien pire qu’il a été renseigné complaisamment par les génocidaires, dont le sinistre colonel Bagosora, le Himmler du génocide des Tutsi.

Quant au « travail extraordinaire de Judi Rever », il évoque sans doute sa formidable compilation de thèses négationnistes dans laquelle la journaliste canadienne a même essayé de vendre que des Tutsi avaient infiltré les interahamwes, les escadrons de la mort des génocidaires, pour les inciter à commettre le pire…
Passons sur les « généraux français [qui] ne sont pas assez interviewés », puisque même à la retraite ceux-ci gardent un lien avec le ministère des armées et ils sont donc tenus à la version officielle, définie par l’Etat.

Hubert Védrine n’aurait donc rien à se reprocher dans le génocide des Tutsi au Rwanda ?

« la France (Hubert Védrine) a seulement cherché à imposer un compromis politique au gouvernement hutu avec les accords de paix d’Arusha ». Il semble oublier qu’un conseiller de l’Elysée affirmait alors que « Arusha, c’est Munich » et que l’ambassadeur de France, en mars 93, soutenait la CDR (coalition pour la Défense de la République, les pires extrémistes) qui représentait à ses yeux le « nationalisme hutu », ce même ambassadeur jugeant dans un télégramme diplomatique que le Président Habyarimana, « un chef d’État qui a finalement tout raté », était à remplacer…
Drôle de soutien aux accords de paix d’Arusha dont la France, ou plutôt certains à l’Elysée semblent avoir mal vécu qu’une des exigences du FPR soit le départ des troupes françaises.

Mais le plus terrible n’est pas là, laissons M.Védrine affirmer qu’il ait au moins partiellement soutenu ces accords de paix. Cela rend alors totalement incompréhensible la suite de la politique qu’il défend encore aujourd’hui, d’avoir soutenu ensuite les extrémistes hutu qui se sont emparés du pouvoir avec l’assassinat du président Habyarimana et qui se sont empressés de défaire ces accords de paix en constituant un gouvernement sans aucun partage, dès le 8 avril 1994, dans les locaux de l’ambassade de France…

C’est ce gouvernement intérimaire, totalement contraire aux accords de paix d’Arusha, qui va conduire le génocide des Tutsi pendant 100 jours, à raison de 10.000 victimes par jour. Et c’est ce gouvernement génocidaire qui va bénéficier du soutien de l’Elysée pendant tout le génocide des Tutsi : ses émissaires seront reçus à l’Elysée en avril, des armes leurs seront régulièrement livrées et ce gouvernement ne sera jamais condamné publiquement par Paris, quand bien même la DGSE informait régulièrement nos décideurs que nous soutenions au Rwanda les organisateurs des massacres.

Note de la DAS sur le suivi par la DGSE des événements au Rwanda

Il est vrai que dans l’esprit d’Hubert Védrine, les notes de la DGSE – service officiel de renseignements extérieurs de l’Etat français – seraient un «  ramassis de colportages et de ragots… ».
Quant à l’opération Turquoise, l’intervention « humanitaire » de la France, Hubert Védrine la dissocie désormais du génocide, il ne se souvient plus qu’elle n’a pas « eu lieu un an après » mais pendant le génocide des Tutsi et qu’il est justement reproché à cette intervention de ne s’en être jamais pris aux génocidaires, mais d’avoir protégé leur fuite avant de les réarmer dans des camps de réfugiés.

Enfin sur l’ouverture des archives, qu’il a surtout empêchée ces 25 dernières années, Hubert Védrine esquive maladroitement cette question cruciale et incompréhensible pour une mission « humanitaire », alors qu’il pourrait donner l’exemple avec les documents du président Mitterrand, qui sont jusqu’à présent « ouverts, mais non consultables »…

6 commentaires sur “Rwanda : Hubert Védrine, l’homme qui ne doute de rien.

  1. Remarquable analyse des contradictions et des faux-fuyants auxquels se livre Hubert Védrine pour ne pas reconnaître le rôle funeste qu’il a contribué à assigner à l’opération Turquoise au Rwanda en faveur des génocidaires. Malheureusement les objectifs réels poursuivis par la France aux côtés des génocidaires sont aujourd’hui confirmés par les chercheurs et les observateurs les plus sérieux de la crise rwandaise en 1994.

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